Histoire du pisé de terre à Lyon

Dès l’Antiquité la terre est utilisée dans la construction à Lyon comme l’attestent les vestiges archéologiques découverts sur la colline de Fourvière. Ces constructions utilisent la technique du torchis (remplissage de terre et de paille sur des clayonnages en bois) ou de l’adobe (brique de terre séchée).

C’est au XIII°siècle, selon les archéologues, que la construction en pisé de terre serait apparue en France. La terre est compactée manuellement dans un coffrage amovible formé de deux banches, formant un mur massif. Cette nouvelle technique de construction s’étend rapidement dans tout le Sud de la France. En région Auvergne-Rhône-Alpes, des vestiges de pisé ont été identifiés dans des maçonneries de bâtiments médiévaux de la Loire, tels que la Salle de la Diana à Montbrison (XIIIe S.), le prieuré de Montverdun (XIIIe S), l’ancien château de Boën (XIVe S.) ou la maison forte de la Bastie d’Urfé (XIVe – XVe S.).

A la Renaissance, de fastueuses maisons des champs sont construites autour de Lyon. Certaines sont en pisé. C’est le cas des domaines de Beauregard (Saint-Genis Laval) ou du Clos de la Haye (Maison de Melchior Philibert) à Charly.

A la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, l’abbé Rozier (botaniste) et les architectes Georges-Claude Goiffon, François Boulard, François Cointeraux, puis Jean-Baptiste Rondelet, théorisent, rationalisent et diffusent très largement la technique du pisé dans leurs écrits et réalisations. Dans le contexte des Lumières puis de la Révolution Française, ces travaux ont un retentissement considérable, jusqu’en plusieurs pays européens et vers l’Amérique et l’Australie (traductions de Cointeraux). Dans les campagnes environnantes, partout où une bonne terre à pisé est disponible, cette technique est employée. Elle s’exporte alors dans les villes en pleine expansion.

A partir du début du XIX siècle, la terre est utilisée massivement dans la construction des nouveaux quartiers de l’agglomération lyonnaise.

Il s’agit principalement des pentes et du plateau de la Croix-Rousse, des quartiers de la rive gauche du Rhône, du faubourg de Vaise… Lors des inondations catastrophiques de 1840 et 1856, des centaines de constructions en pisé sont détruites dans les quartiers de la rive gauche du Rhône ou à Vaise. Une réglementation interdisant le pisé est alors mise en place.

Pendant la seconde moitié du XIXe siècle, cette réglementation mal respectée est assouplie. L’aventure du pisé continue mais son image est écornée. La terre subit en outre la concurrence de nouveaux matériaux de constructions. Le pisé dit « de mâchefer » (à partir d’un résidu de combustion de la houille) et les premiers bétons maigres, également damés en coffrage, se développent, profitant d’une meilleure résistance à l’eau.

Au début du XXe siècle l’utilisation du pisé de terre se raréfie ; elle disparaîtra complètement dans les années 1950 avec l’avènement du béton armé. Les savoir-faire se perdent rapidement, posant des problèmes pour l’entretien des bâtiments en terre (pratiques inappropriées).

A la fin des années 1970 et au début des années 1980, l’architecture de terre connaît un renouveau avec la création du laboratoire CRAterre, la construction du Domaine de la terre à Villefontaine et l’exposition « Des architectures de terre » au centre Pompidou à Paris. A Lyon, un premier programme de recherche sur le patrimoine en pisé de l’agglomération est initié par le Ministère de l’Urbanisme et du Logement (1981-1983). Ces travaux novateurs n’ont jamais été publiés et sont quasiment restés sans suite jusqu’à présent.